Interview de Fabienne Lacroix, ExoNaiSens

Pourriez-vous m’expliquer la notion de hauts potentiels en quelques mots ?

Il n’est évidemment pas simple de répondre à votre question car cela prendrait énormément de temps.  Le concept de hauts potentiels est un concept très riche, très complexe. Cependant, je vous inviterai d’emblée à sortir des clichés usuels qui veulent que les hauts potentiels soient assimilés à Einstein, au génie, à l’enfant qui réussit tout, qui a toujours le doigt levé le premier et qui va tout réussir d’emblée.  En fait, il faut surtout comprendre que ce sont des enfants qui ont un fonctionnement cognitif radicalement différent.  Ils vont fonctionner en arborescence, c’est-à-dire qu’ils vont poser énormément de questions et, c’est à partir de ces questions, qu’ils vont pouvoir aborder le contenu que l’on va vouloir leur apprendre ou qu’ils vont aborder, tout simplement, le monde.  Ils vont arriver, très rapidement, à une vision globale et assez précise des questions qui leur sont posées, ils vont arriver à une très grande clairvoyance mais qui peut les amener à beaucoup d’angoisse.   Parce que si intellectuellement, ils arrivent à gérer toutes les informations qu’ils reçoivent, il n’en est pas de même au niveau psychologique et émotionnel.  Cependant, je voudrais insister pour dire que ces enfants ne présentent pas plus de pathologie que dans la population classique pour autant que l’environnement puisse prendre en compte leurs besoins spécifiques.  Et là, c’est vraiment très important !

Quel est l’intérêt de l’identification des hauts potentiels ?

La question de l’identification est une excellente question.  Il est intéressant, évidemment, de pouvoir identifier les personnes qui sont en difficulté.  Cela n’aurait pas de sens de faire une identification de tous les hauts potentiels car vous avez certaines personnes à hauts potentiels qui sont pleinement épanouies, elles ne savent même pas qu’elles sont à hauts potentiels.  Elles n’ont pas besoin nécessairement de le savoir.  Par contre les enfants qui sont en grande difficulté que ce soit au niveau social, au niveau scolaire, et, qui présentent des caractéristiques du profil des personnes à hauts potentiels peuvent nécessiter une identification de manière à ce que l’on puisse poser clairement un diagnostic, et, si possible, en élargissant ce diagnostic avec la théorie des intelligences multiples de manière à recevoir des outils pour pouvoir répondre à leurs besoins et améliorer leur épanouissement. Parce que le tout est, bien entendu, un travail en vue de l’épanouissement et de l’intégration de ces personnes dans un système scolaire, social et personnel !

Comment expliquer la situation paradoxale de l’échec des élèves à hauts potentiels ?

Il est vrai que c’est très paradoxal de rencontrer un tiers de ces enfants à hauts potentiels en grande difficulté voire en échec total dans le système scolaire.  Alors, il faut bien comprendre qu’il y a une partie qui est inhérente à leur propre fonctionnement et une partie inhérente au fonctionnement du système scolaire.  Tout l’enjeu sera évidemment de pouvoir rapprocher l’enfant à hauts potentiels dans son fonctionnement au système scolaire et demander également au système scolaire de venir s’adapter quelque peu à ses enfants qui sont en grandes difficultés, à certains moments, pour une petite partie de la population des enfants à haut potentiel.  Il faut bien comprendre que ces enfants n’ont pas développé le sens de l’effort, de la persévérance et non pas un appris à apprendre.  Ils ont fonctionné de manière tout à fait intuitive.  Ils n’ont pas développé ce qu’on appelle de la métacognition.  Pour ce qui est des facteurs inhérents au système scolaire, le système scolaire a été bien entendu développé pour des enfants qui pensent de manière séquentielle, de manière linéaire et de manière assez convergente.  Alors que le hauts potentiels lui aborde les choses de manière transversale, de manière globale et de manière plutôt créative.  Donc, si l’on reprend les facteurs inhérents aux enfants et les facteurs inhérents au système, on comprend mieux comment on peut amener ses enfants à s’adapter et à s’intégrer dans le système scolaire pour avoir un parcours qui leur permettent de s’épanouir.

Quel est votre rôle auprès de ces personnes ?

Mon rôle est donc un rôle de mobilisation.  La mobilisation autant du jeune que des parents sans qui le travail est impossible, et bien entendu, des enseignants.  Il est fondamental que l’on puisse amener à un regard différent sur la situation.  Je dirais que mon rôle est un rôle de prévention primaire qui va permettre de changer de regard, d’amener la personne à créer une réelle alliance avec le jeune afin de le mobiliser autour de sa scolarité pour que tous les pans de sa vie s’en ressentent et s’épanouissent.

De quels moyens concrets disposez-vous pour les accompagner ?

J’ai la ferme conviction que l’on crée de la valeur, non pas en résolvant les échecs, mais, bien en accompagnant, au plus près, les jeunes dans leur scolarité.  C’est ainsi que j’ai choisi d’être, au plus proche d’eux, en créant les ateliers de soutien scolaire spécifiques pour les hauts potentiels. C’est, en fait, une combinaison judicieuse de méthodologie, de coaching, et, surtout aussi, d’étude supervisée.   

La méthodologie pour leur apprendre à augmenter leurs stratégies, améliorer les stratégies naturelles qui sont les leurs, et,  apprendre à apprendre.  Le coaching pour pouvoir mieux se connaître et mieux connaître les autres.  De telle sorte, ils augmentent leur intelligence intrapersonnelle et interpersonnelle.  Et, aussi le coaching familial, qui permet de travailler en synergie et d’impliquer les parents dans ce travail.  Cette implication est vraiment indispensable.

L’étude supervisée me permet de les aider.  J’interviens un petit peu comme un levier pour qu’ils mettent en pratique, pour qu’ils osent dépasser leurs croyances limitantes, et qu’ils se mettent au travail en appliquant les structures et les stratégies qui vont à l’encontre des leurs.  Et, ils vont, progressivement, se rendre compte combien ils entrent dans la spirale positive.  Pour les aider à rentrer dans le dépassement de soi et à ancrer ses stratégies dans la durée, j’ai conçu un canevas d’intervention qui est une réelle invitation, un défi qui leur est lancé : Osez entreprendre, Osez apprendre !